De retour de délocalisation en Jordanie pendant le mois de mai, les étudiantes et étudiants en spécialité presse écrite et multimédia vous proposent le magazine News d'Ill n°133 : Jordanie, sable émouvant.
- Boycott : soutenir Gaza à tout prix
- Sécheresse : un pays en première ligne
- Cinéma : à qui profite le film ?
-->Je l'achète<--
L'édito :
Une nuit pour jouer les héros. En avril, le Action man hachémite à la tête du pays le plus stable du Moyen-Orient s’est trouvé une mission à sa hauteur : intercepter les missiles iraniens élancés pour toucher Israël. Succès. Après ses courtes minutes de figuration dans Star Trek, le roi sans divertissement a flirté avec le premier rôle sur la scène internationale — prétendant protéger son peuple, qui n’en demandait pas tant.
Pour une partie des Jordaniens, souvent réfugiés ou descendants de réfugiés palestiniens, les missiles et drones auraient mieux fait de finir leur course dans l’État hébreu, engagé dans une sanglante campagne militaire depuis l’attaque terroriste du 7 octobre. Du premier appel à la prière au dernier bruit de klaxon, les rues de la capitale bourdonnent de slogans conspuant l’ennemi. Et s’il tente de s’attabler au restaurant, le menu pourrait bien lui rappeler : « Les Israéliens ne sont pas les bienvenus. »
Abdallah II ne serait donc pas le héros qu’il pense être ? Dans les bruyantes manifestations quasi quotidiennes à Amman, l’icône, c’est plutôt le Hamas. Et tant pis pour les chuchotis plus modérés. Alors quand le roi retient les bombes, ses sujets jettent les pierres qu’ils trouvent. Ils boycottent. Ils se rassemblent — et plus seulement à genoux dans les mosquées. À l’ombre des banderoles, les femmes jamais bien loin tentent aussi de ne pas faire oublier leurs propres combats.
Dans ce royaume arabe qui n’a jamais connu de
Printemps, ça gronde. Mais ça tient encore et toujours. Lorsque le roi n’est pas en Harley sur les routes américaines, l’oncle Sam reste au chevet financier de son joujou du Levant. Peut-être n’y a-t-il pas d’autres solutions ? Depuis sa création, la Jordanie sert de tampon à une région suffocante de guerres jamais finies, d’air toujours plus chaud aussi. Les hommes, ici, sont assujettis au roi Soleil. Aux deux degrés de réchauffement climatique sans cesse repoussés à cinq. Puis, surtout, à leurs robinets vides et à la mer toujours plus morte. Sans doute alors, le véritable sauveur n’est pas un soldat. Mais une molécule : H2O.
Julie Lescarmontier
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1994 -2024 : trente ans que le Cuej organise des délocalisations ! Les étudiants du Cuej courent le monde. Ils ont la chance de séjourner un mois dans un pays qu’ils découvrent pour produire des magazines écrits et audiovisuels. Le Cuej a inventé cette séquence pédagogique et reste la seule école de journalisme à la pratiquer sur un temps aussi long.
La déloc’ en Jordanie a bien failli ne jamais avoir lieu. Envisagée dès juin 2023, remise en cause par l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, puis par le déclenchement de la guerre à Gaza, elle était proche de l’abandon lors des échanges de missiles entre l’Iran et l’État hébreu deux semaines avant notre arrivée à Amman. Mais à chaque moment de doute, l’envie de raconter justement maintenant ce pays, pôle de stabilité dans une région en proie aux conflits, est restée plus forte.
Cette résilience doit beaucoup à notre hôte, le Jordan Media Institute, et à sa doyenne Mirna Abou Zeid, qui n’a jamais fermé la porte à notre arrivée. Avec elle, nous partageons l’idée que former des journalistes à l’information de qualité est indispensable pour éclairer ces conflits et tensions exacerbées. Qu’elle et ses étudiants en soient remerciés ! Ainsi que l’Académie de RoyaTV et l’Université de Jordanie, dont les étudiants de français ont contribué aux travaux.
L’équipe encadrante du CUEJ