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Géorgie
L'équilibriste
Mai 2023. Les rosiers fleurissent dans les parcs de Tbilissi tandis que le pays du Caucase progresse sur un câble d’acier tendu. Deux forces contraires s’exercent sur son balancier, le faisant tantôt pencher vers la Russie, tantôt vers l’Occident. Le funambule parviendra-t-il à se maintenir en équilibre ?
Depuis la chute de l’URSS, la Géorgie s’engage sur la voie de la démocratie et de l’intégration euro-atlantique. Mais avec l’arrivée au pouvoir du parti de l’oligarque Bidzina Ivanichvili en 2012, Tbilissi est suspendu au-dessus du précipice russe. Minuscule face à son voisin du nord, il s’attelle à le ménager, au grand désarroi des manifestants de l’avenue Roustavéli, qui crient leur colère contre l’ex-envahisseur au cœur de la bouillonnante capitale.
Le début du conflit en Ukraine en février 2022 a forcé la Géorgie à reprendre ses appuis, notamment en demandant l’adhésion à l’Union européenne réclamée par ses citoyens. Pour autant, les velléités de réformer la justice et de garantir les droits humains, dont ceux des minorités sexuelles et de genre, laissent penser à un auto-sabotage. Osera-t-elle renverser l’échiquier – quitte à froisser la Russie – afin d’atteindre les douze priorités fixées par les Vingt-Sept avant la fin de l’année ?
En dépit des vents tourbillonnants, l’acrobate géorgien avance à belle allure, avec une croissance de 10 % en 2021. Sa situation géographique en fait une plaque tournante pour le commerce. Les camions défilent par milliers sur l’ancienne route militaire soviétique reliant l’Arménie à la Russie, désormais engorgée à cause des stricts contrôles à la frontière. Mais malgré le déferlement de marchandises et de touristes, de trop nombreux Géorgiens vivent dans la précarité et se résignent à l’étranger.
Pris en étau entre les valeurs traditionalistes prônées par l’Église orthodoxe et les aspirations libérales de sa jeunesse, le pays tangue. « La force est dans l’unité », se rassure le funambule perché sur son fil, en répétant la devise géorgienne. Compliqué, alors que les cicatrices des conflits russo-géorgiens sont encore vives, comme nous l’ont confié les déplacés des territoires séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Il faut tenir jusqu’aux élections de 2024. À moins que l’issue de la guerre en Ukraine ne précipite la chute de l’équilibriste.
Audrey Senecal
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